S. Varol, , p.31

J. Molho, Il y a le 21 et le 31, n'est-ce pas? En ayant le 31 en mains on ne tire plus de cartes, on est servi

, ) automatiquement quand on a le 31, otuzbirim var çekemem. Ay ke lo toman en esta expression, Quand on avait un 10 et un as, ça te faisait 21, n'est-ce pas? Bir daha, et encore un dix, p.31

M. C. Varol,

J. , Ya m'entendites, la otra expression?

J. Ah, !. Bravo!-i-el, and .. , La más parte, el noventa i mueve por syen era en la otra expression, kuando se djuguava entre ombres. Esto se lo vaz a eksplikar

. Ellí,

L. and E. , Cinquante, son nom est bien connu, lui-même est bien connu aussi'. Le jeu de mots porte ici sur l'équivalence entre le nom turc du nombre cinquante et le prénom juif Eli

, De 51 à 54, nous n'avons enregistré aucune annonce. 55a. Sikuenta i sinko : Penç al penç

, Penç al penç, Double face para las mutchatchas

L. Hammalbachí-de and . Duana,

M. Le-terme-emprunté-signifie-'cinq'-et-'la-paume-de-la-main'-en-persan and . Molho, Kuando lez aboltan para akel, se aze double face para las mutchatchas. Ké pensavan akel tyempo? ». Le persan est à l'origine du terme turc pençe, 'griffe'. La construction semble identique aux expressions bibliques panim al panim 'face contre face', khaph al khaph, 'paume contre paume', où l'on retrouve le deuxième sens de penç. On aurait donc ici la préposition al de l'hébreu entre deux unités identiques empruntées, un calque signifiant 'cinq à cinq

, L'annonce 55c est très différente, elle renvoie au monde du travail et signifie 'Chef des portefaix de la douane', et, sans doute, à l'attribution de références administratives chiffrées (cf. supra 11b)

, Cinquenta i sei est chanté en italien

, De 57 à 59, aucune annonce

S. Altmich,

. Sesenta,

, L'annonce 60a se borne à citer le nombre en turc altm??, prononcé à la façon judéo-espagnole. 60b, par contre joue sur les mots sesenta 'soixante' et s'asenta 'il, elle s'assoit'. A ce propos on se reportera supra aux commentaires de l'annonce du n° 30. L'effet plaisant vient de l'insistance : 'il s'assoit

, Sesenta i uno, se asentó kon el kuvo

, Cette annonce semble une déclinaison de la précédente mais uno ne rime que maladroitement avec kuvo et le 1 ne ressemble pas à un seau, à moins que l'on puisse voir dans le chiffre un personnage assis à côté d'un seau

, De 62 à 67, nous n'avons enregistré aucune annonce

, Sesenta i otcho, se asentó kon el doktor para bivir sano

, homophonie s'asenta, sesenta? et décline la plaisanterie au fil des nombres rapportés à l'âge des gens : A 68 ans, il faut s'asseoir ou s'installer avec un docteur si l'on veut rester en bonne santé et prolonger ses jours. Le procédé poétique est moins pauvre si le nombre est dit en italien : otto rime mieux avec doktor ou

, Sesenta i mueve es : d'arriva i d'abacho

, Il ya également un jeu de mots : l'expression judéo-espagnole d'arriva i d'abacho, 'd'en haut et d'en bas' signifie également '(se vider) par en haut et par en bas (coliques et vomissements)', et, bien évidemment, l'expression comme le nombre peuvent aussi avoir la lecture obscène dont on, Le nombre 69 peut être lu par en bas comme par en haut ainsi que le signale Ester Molho

, Setenta, se aterkó i no s'alevantó

I. Yetmi? and . Bitmi?, Si l'on était assis à soixante ans on est couché à soixante-dix, aterkarse a une connotation très péjorative et connote la déchéance (Nehama 1977 : 66). La lecture de 70b est équivoque : 'le travail est fini', ou bien 'ça ne marche plus'. Le commentaire de Jak Molho est « A soixantedix ans, c'est fini ! » et, compte-tenu de l'usage obscène du turc dans la tombola, peut concerner une plaisanterie entre hommes. Cependant le 70b n'est rien d'autre que la citation d'un proverbe turc Ya?? yetmi? i?i bitmi? 'A l'âge de 70 ans

, Setenta i uno es, la baltá kon el klavo

L. ,

, ou 'de la sage-femme'. L'allusion est à la fois raisonnablement licencieuse et plaisante pour un public féminin, parler des jambes des dames est déjà osé. La sage-femme court de maison en maison, ce qui est assez mal vu pour les maîtresses de maison qui doivent rester chez elles. On voit (77c) que Klara Emmanuel, plus prude, préfère parler de 'pattes de chameau' plutôt que de 'jambes de commères'. A moins qu'il ne s'agisse d'une revanche féminine : si la komadre est un personnage féminin populaire souvent moqué, gameyo est une insulte s'adressant à un homme brutal ou grossier, Comme pour l'annonce de 7 (cf. supra), le dessin du nombre est en jeu, en 70a et b, 'les deux jambes de la commère

, Setenta i otcho : se aterkó kon el doktor para bivir sano

, L'annonce est la même à peu près que celle de 68 à la différence près que l'on a changé de verbe et que s'aterkó a remplacé s'asentó

. Otchenta, la grand-mère enceinte' joue sur l'homophonie entre otchenta 'quatrevingt' et l'italien macaronique kontchenta, formé à partir de incinta 'enceinte' et concetto 'conception'. Il est à noter que dans cette plaisanterie irrévérencieuse pour une vieille dame, c'est le mot vavá (emprunté au grec) et non nona ou gran-mamá (termes plus respectueux) qui est employé, comme dans d'autres cas semblables

. Otchenta-i-otcho, dos tinajikas de bombón ke no tyenen ni kulo ni tapón

, Dos bizkotchikos, dos antojikos, otchenta i otcho

, Tinaja étant un mot ancien signifiant 'cruche' ou désignant une grande jarre de terre dans laquelle on stockait l'eau à boire, on ne comprend pas bien l'association qui est faite avec des bonbons. Il semble cependant qu'il faille chercher la solution du côté d'une énigme espagnole du XVII e siècle, consignée par Gonzalo Correas dans son Vocabulario de refranes de 1627 où l'on peut lire : tinajita de zombodombón, que no tiene boca ni tapón (Correas 2000 : 774 / 312) 26 qui a l'oeuf comme solution de l'énigme. G. Correas précise qu'il s'agit de formulations enfantines et que zombodombón est une invention fondée sur le son, une onomatopée. En effet elle imite le bruit d'une cruche creuse ou d'une calebasse (potiron ou courge) que l'on frappe. On est là face à un énoncé d'énigme ancien, L'annonce 88b reprend l'annonce 8 (otcho, bizkotcho), mais la rime disparaît à cause du diminutif et l'annonce joue cette fois sur le dessin des deux chiffres : 'deux petits biscuits, deux petites lunettes'. Le 88a joue lui aussi sur le dessin mais avec plus de précision : 'deux petites cruches de bonbons -ou bonbonnières-qui n'ont ni cul ni bouchon

, El noventa ez : el papú, noventaaa. 90b. Noventa, el gran-papá. 90c

, On trouve également la formulation calabaza de zombodombón, no tiene boca ni tapón, p.149, 2000.

, Les éditeurs font remarquer que ces deux textes figurent aussi à l'entrée 1446 dans le corpus de Margit Frenk, 1987.

, Si la grand-mère est la vavá (cf. supra n° 80), il est juste que le grand-père soit el papú, terme emprunté au grec lui aussi et lui aussi marqué de façon légèrement péjorative, condescendante ou simplement plaisante. On voit d'ailleurs la très douce Mme Ester Danon préférer el gran-papá, plus respectueux, pour le n° 90, dont elle hésite à se moquer, alors que l'annonce 90c, Le numéro 90 marque la fin des numéros de la tombola ou 'le fond' : el dip de la tombolá, dit M. Molho

, D'autres annonces particulières en italien ou en judéo-espagnol ponctuaient la tombola : lorsqu'une série était terminée on annonçait par exemple « Eccola ! », 'et voilà' (M. Molho), ou basta sirá 'la rangée est finie' (H. V. Sephiha) et on contrôlait les cartons 27

, On bouscule un peu les convenances et l'on rit en s'adonnant à ce que les moralistes de ce temps fustigent comme « des passe-temps futiles ». Du point de vue de la forme, ce corpus confirme ce que l'on sait déjà sur la distribution des langues en famille et en société : le judéo-espagnol est la langue partagée de référence, il est ici neutre ; le turc est la langue des hommes et du travail, celle de l'argot des bas-fonds et ses double-sens sont, en principe, ignorés des femmes ; le français est la langue des élites communautaires, de la bourgeoisie et il est connoté, comme l'italien, de snobisme et de préciosité ; l'hébreu, en dehors des références religieuses, peut servir aux hommes à crypter des remarques licencieuses qui ne seront pas comprises des femmes, Conclusions La tombola apparaît comme un jeu populaire, qui subvertit les conventions (observance de la religion, bonne éducation, politesse et respect des hommes envers les femmes, pudeur et soumission des femmes envers les hommes, respect des élites communautaires et religieuses), que l'on y joue entre hommes, avec le turc fonctionnant comme un argot de joueurs et un argot sexuel, ou que l'on y joue en famille et en société dans son quartier, p.1990, 1982.

, Le corpus des annonces met également en évidence le goût pour les jeux de mots et les déformations plaisantes de termes que Max Leopold Wagner avait déjà remarqué à Istanbul (1930) que David Bunis trouve dans les chroniques des journaux de Salonique, p.162, 1999.

, et qui abondent dans la presse humoristique (Gw. Collin : 2002) ainsi que les plaisanteries à double sens, les devinettes, les parodies 28

, Il se manifeste dans le jeu cette sociabilité qui tisse les liens entre les gens du quartier juif : les annonces sont adaptées aux personnes présentes

, Entre tyempo saltavan, « eccola ! », ke es ya intchiyan una seriya en la plaka... i se kontrolava, Cf. corpus Varol, 1992.

, a & b) ; sur les devinettes voir Armistead & Silverman, Sur l'humour interlinguistique et les jeux de mots dans les proverbes voir Sephiha, 1983.

, Mais ce qui nous intéresse et nous trouble le plus est certainement la permanence dans la culture orale d'une polarisation très ancienne contre la culture religieuse chrétienne, un héritage converso en quelque sorte, en lien direct avec l'Espagne d'avant l'expulsion. Ce n'est pas le seul cas relevé dans la culture judéo-espagnole, mais quand bien même il le serait, la survivance de ce trait en terre d'Islam où le christianisme ne constitue pas un enjeu de pouvoir, après une aussi longue présence, et ses rabbins. Les tensions sociales s'y expriment et s'y résolvent par l'apostrophe et la parole en judéo-espagnol, espace de créativité et de liberté du groupe

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, Fijonikos travados de una talega -kartones et message de Albert N. Contente publié en Ladinokomunita, d'Izmir, les jetons s'appelaient « bidines » « unos botones de tavla redondos » Liste Camhy : Ochu biskotchu, diez minyan ; dodji trivos de Israël ; dizisiete siman tov

, dizimueve dizi ke no veye ; vente i uno ventura buena ; vente i dos dos palazikas ; setenta i siete dos patchaikas ; otchenta la vava