, C'est ainsi que dans le film, la marionnette libérée de ses cordes (et donc livrée à elle-même, privée de son animateur) va se faire décapiter par d'autres marionnettes (les commis androgynes de la boutique du tailleur) ; ces dernières poupées vont se substituer au marionnettiste-metteur en scène en remplaçant le visage de la marionnette principale par la même tête inexpressive qu'elles-mêmes arborent, puis elles vont la bourrer de coton et la costumer jusqu'à ce qu'elle soit entièrement remodelée à leur propre image. Comment ne pas penser ici à cette confession de Jacob chez Schulz : « Nous voulons créer l'homme une deuxième fois, à l'image et à la ressemblance du mannequin » 32 ? Selon Antonio Costa, professeur en Histoire du cinéma à l'université de Venise, « c'est seulement dans cette coexistence de figures animées et inanimées que pouvait être représenté ce que Schulz écrit dans Le Traité des mannequins ou la seconde Genèse : Dans les profondeurs de la matière se dessinent des sourires imprécis, des conflits se nouent, des formes ébauchées se condensent. Elle ondoie tout entière de possibilités inachevées qui la traversent de frissons vagues, Les frères Quay sont allés très loin dans le jeu anthropomorphique où animé et inanimé ne cessent d'échanger leurs qualités et leurs propriétés, où la matière « inerte » ne se contente plus d'imiter la vie mais endosse le rôle d'un véritable démiurge

, Plus qu'à la nouvelle à laquelle il a emprunté son titre, le film La Rue des Crocodiles s'apparente au Traité des mannequins qu'on peut considérer comme le manifeste artistique de Schulz et dont il met en images et en oeuvre la « métaphysique (ou la mystique) de la matière animée, vol.34

. Inalco-cree,

B. Schulz, Traité des mannequins ou la seconde Genèse, op. cit, p.53

. Dans-l'entretien and . Qu, ils ont accordé en 2001 à André Habib pour la revue Hors Champ, les frères Quay revendiquent ouvertement l'influence du Traité des mannequins de Schulz sur leur film